Fibromyalgie : une énigme bientôt résolue ?

La fibryomalgie : la recherche avance

La fibromyalgie, caractérisée par des douleurs chroniques généralisées, reste difficile à diagnostiquer et à soulager. Pour la première fois, une expertise collective fait état des avancées de la recherche sur le sujet.


AU SOMMAIRE DE CET ARTICLE

Longtemps demeurée opaque, assimilée parfois à une prétendue « maladie de femmes » inexpliquée, un voile d’ignorance est sans doute en train de se lever sur la fibromyalgie. Près de 1,6 % des Français souffriraient de ce syndrome – ou ensemble de symptômes caractérisant une pathologie – après 30 ans. Presque autant d’hommes que de femmes. Le « tableau clinique » associe le plus souvent des douleurs spontanées durables (plus de trois mois), et diffuses dans tout le corps, majoritairement dans les muscles et le squelette.

 

Les régions les plus sensibles se situant à proximité de la colonne vertébrale (nuque, épaules, omoplates, bas du dos, hanches...). D’autres troubles s’y ajoutent souvent : problèmes de sommeil, fatigue, troubles de l’humeur, difficultés de concentration, condition physique diminuée... Plus ou moins sévère selon les personnes, la fibromyalgie peut être très invalidante au quotidien et impacter lourdement la qualité de vie des personnes atteintes. Dans de nombreux cas, elle met la médecine en difficulté, voire en échec, pour soulager les patients. Une analyse critique de la littérature scientifique, publiée en octobre 2020 par l’Inserm(1) et portant sur les dix dernières années de recherches sur le sujet, permet de faire le point sur ce syndrome.

Plusieurs hypothèses sur ses causes

 

Les principales hypothèses concernant les causes et les possibles traitements de la fibromyalgie se trouvent pour la première fois rassemblées dans un rapport qui fait date. L’expertise collective de l’Inserm a réuni un groupe pluridisciplinaire de 15 experts, de la neurologie à la pharmacologie, en passant par la pédiatrie et la sociologie. Leur revue des travaux de recherche publiés montre des hypothèses de plus en plus précises sur les causes de la fibromyalgie.

 

Selon l’une d’elles, les douleurs ressenties par les patients seraient de nature nociplastique, c’est-à-dire résultant de réactions exacerbées du cerveau sans lésions tissulaires. Les chercheurs observent, entre autres, le phénomène par IRM : chez des patients, il se produit des modifications des réseaux neuronaux impliqués dans la reconnaissance du signal douloureux. Avec, d’une part, une suractivation des régions cérébrales mesurant la douleur (comme le cortex pariétal somato-sensoriel, au sommet du crâne), et, d’autre part, une sous-activation des régions du cerveau exerçant un contrôle sur la douleur.

 

Une perception trompeuse

Concrètement, ce dérèglement des systèmes de modulation de la douleur conduit à ce qu’une stimulation réputée indolore (comme une légère pression sur la main) est perçue comme douloureuse. La cause de cette réactivité exacerbée est encore obscure. L’implication de facteurs psycho­sociaux est toutefois probable. Certains vécus traumatiques et certains traits de personnalité, comme la tendance à ressentir souvent des émotions négatives ou à rechercher la perfection, ou encore des difficultés à identifier et exprimer ses émotions, pourraient entrer en ligne de compte.

 

Un consensus sur la prise en charge

Autre hypothèse évoquée dans le rapport de l’Inserm concernant les causes de la fibromyalgie : des atteintes périphériques, au niveau des muscles et des petites fibres nerveuses, pourraient expliquer les douleurs ressenties par certains patients. Cause ou conséquence de la fibromyalgie ? La question reste en suspens.

 

Des études cliniques sont prévues pour en savoir plus. La recherche de marqueurs biologiques de la fibromyalgie permettant de faciliter le diagnostic est un autre axe de recherche privilégié. Sur la prise en charge des personnes malades, le rapport fournit des recommandations précises, basées sur un consensus médical de plus en plus large. Priorité numéro un : éviter le « déconditionnement physique », qui crée un cercle vicieux de la douleur, et reprendre une activité physique adaptée. C’est la toute première ligne d’attaque. Viennent ensuite les médicaments, qui peuvent soulager, au moins partiellement et temporairement, les douleurs. Avec l’adhésion du patient, la psychothérapie produit d’excellents résultats, même s’ils ne sont pas immédiats.

 

Des médicaments en 2ème intention

Pour soulager les symptômes parfois très douloureux de la fibromyalgie, les médicaments ne doivent être utilisés qu’en deuxième intention, après les thérapies non médicamenteuses comme l’exercice physique. Ces médicaments sont efficaces sur la douleur, mais aussi sur la qualité du sommeil ou encore sur la fatigue. Parlez-en à votre médecin et demandez conseil à votre pharmacien.


 

 

Pour aller plus loin

Un guide international d’initiation à la fibromyalgie a été réalisé pour toutes les personnes récemment diagnostiquées et leur entourage. Récompensé pour sa qualité par la Société espagnole de rhumatologie, il est disponible en ligne, en trois langues (français, anglais et espagnol) sur le site suivant : fibro.info/fr


2 questions à Sophie Nicole, chercheuse à l’Inserm*, coordinatrice de l’expertise collective sur la fibromyalgie.

Dans quel but l’expertise collective de l’Inserm sur la fibromyalgie a-t-elle été lancée ?
La Direction générale de la santé en a confié la réalisation à l’Inserm afin de faire le point sur les connaissances scientifiques accumulées par les chercheurs au sujet de ce syndrome. Cette expertise était très attendue par les associations de patients, qui revendiquent le mot de « maladie » et souhaitent voir la fibromyalgie sortir définitivement de son statut de « maladie imaginaire », médicalement inexpliquée. Le rapport publié en octobre 2020 a permis d’analyser près de 1 600 travaux de recherche publiés ces dix dernières années sur le sujet. Il montre que des avancées majeures ont été opérées pour une meilleure connaissance des causes et des mécanismes de la fibromyalgie.

 

Que peut-on attendre de ce rapport ?
Il constitue une bonne base pour mieux appréhender la réalité complexe de la fibromyalgie. Mais aussi pour encourager des diagnostics plus rapides, une prise en charge plus adaptée des patients et des travaux de recherche mieux ciblés.

 

Notes
* Institut national de la santé et de la recherche médicale.

 

 

A PROPOS DE CET ARTICLE
Rédigé par : Comité éditorial Giphar
Relu et approuvé par : Comité éditorial Giphar
Mis à jour le : 23/12/2021

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